La recherche de maitrise de la fertilité, ne date pas d’aujourd’hui.
En effet, nous pouvons remonter jusqu’à l’antiquité pour observer que déjà, ce sujet est au coeur des préoccupations.
La contraception est, depuis la nuit des temps un sujet qui fait débat.
Depuis que j’ai pris conscience de ce que représentait la contraception dans nos vies, au delà d’un simple moyen de maitriser la fertilité, je ne cesse de me questionner et d’observer l’impact du choix d’un moyen de contraception dans nos vies.
Que ce soit en tant qu’individu mais aussi, dans nos relations.
Qu’elles soient qualifiées d’amoureuses, de polyamoureuses, de polygames, polyandres ou tout autre façon d’envisager les relations où il y aurait une sexualité. Choisir de donner la vie ou pas est le fruit d’un long chemin et de grands questionnements.
Que ce soit concernant le rapport entre les hommes et les femmes (je ne parle pas de genre mais bien de sexe attribué à la naissance).
Que ce soit sur un plan plus philosophique et universel qui a permis aux êtres humains de « maitriser la vie ». La contraception est bel et bien un enjeu de taille où il y a matière à réflexions.
Du coup, si comme moi, né.e dans les années 1980, vous avez été mise sous pilule à la puberté et qu’il vous a fallu une dizaine d’année pour prendre conscience de l’impact des hormones sur votre corps, la question suivante vous est alors déjà très certainement passée par la tête : « Mais alors, comment faisions nous avant?
Sachez que, à l’échelle mondiale en 2019, d’après l’institut national d’études démographiques, seulement 842 millions de femmes utilisent des méthodes modernes de contraception et 80 millions des méthodes traditionnelles.
La pilule n’arrive qu’en 4ème place (16%), non loin du stérilet (17%), du préservatif (21%) de la stérilisation (24%). Concernant les méthodes naturelles, il s’agit de la méthode du calendrier, du retrait et des autres méthodes qualifiées de « naturelles ». Se distinguent également les contraceptions ponctuelles et définitives.
Depuis quand a-t-on recours à la contraception ? Quels étaient les réflexions sur le sujet il y a des siècles ? la contraception était-elle une affaire partagée ou bien individuelle ? Incombait-elle à la femme, à l’homme, à la famille, aux proches ? Quels étaient les enjeux de l’époque et les moyens disponibles et majoritairement utilisés ? Avant la pilule contraceptive, moyen de contraception hormonal très actuel en Europe, qu’en était-il ?
Dans cette première partie de cette série « Histoire de la contraception », nous partirons sur les traces des Grecs anciens soit il y a un sacré bail (III siècles avant JC).
1- Quels rôles attribués à l’homme, la femme, la famille dans l’antiquité ?
Un faible taux de naissance
Les familles étaient peu nombreuses et l’espérance de vie très courte (environ 45 ans pour les hommes et 36 pour les femmes). Les taux de natalité et de mortalité oscillaient chaque année entre 35 et 50 pour 1000. L’accroissement de la population restait alors plutôt modeste.
Le couple n’avait rien à voir avec ce qui existe à notre époque. Beaucoup d’hommes choisissaient de ne pas se marier et ceux qui le faisaient, avaient peu d’enfants car déjà, sur 4 enfants, on estimaient que seuls 2 ou 3 survivaient. Dailleurs, il n’existait pas de mots Grecs pour désigner la famille au sens actuel. Le terme « Oikos » désignait seulement l’épouse et les enfants d’un homme mais aussi ses esclaves et ses biens.
De plus, en Crète par exemple, l’homosexualité bénéficiait d’un soutien officiel : réel moyen de maitriser la population. Ou encore, le recours aux services de courtisanes (esclaves) qui malheureusement, étaient bien souvent dénutries ou malades et dont les grossesses n’arrivaient presque jamais à terme.
La petite taille des familles était donc la conséquence d’un taux de mortalité élevé ainsi que de pratiques diverses qui cherchaient consciemment à restreindre la fécondité.
Avant d’aller plus loin, de nombreux textes (certes provenant de la haute société) relatent la pression du patriarcat ainsi que les attitudes et pensées misogyne. Certains autres érudits de l’époque au contraire, affirment que : « la condition des femmes n’était pas toujours si critique ».
Qu’on se le dise, il est bien démontré que les preuves sur le sujet sont plutôt minces.
Pour souligner ces propos, voici un court extrait d’un orateur Athénien de l’époque » Les courtisanes (…) nous les avons pour le plaisir; les concubines pour les soins de tous les jours; les épouses pour avoir une descendance légitime et une gardienne fidèle du foyer ».
Les hommes faisaientt partie du monde public et les femmes du domaine domestique. Partout en Grèce, le modèle féminin était une femme asservie, menant une existence de recluse.
Un héritier était indispensable, seul un homme pouvait être le propriétaire de ses terres puisqu’une femme était alors considérée comme invitée dans le foyer. Si un homme n’avait pas d’enfant de sexe masculin, il pouvait alors en adopter un. L’adoption était chose commune à l’époque afin de s’assurer qu’aucun foyer ne manque d’héritier mâle.
La fécondité fût alors perçue comme une qualité à part entière bien qu’il fut important de limiter le nombre d’enfants afin de ne pas disperser l’héritage.
L’idéal était d’avoir un fils = héritier et une fille = conclure l’alliance par mariage avec une autre famille.
Le but était évident et les moyens utilisés nombreux : adoption, contraception, avortement, abandon, divorce…en fonction des circonstances.
Aristote suggère à l’époque, que l’on réglemente l’âge du mariage et que l’avortement soit un recours :
« Il faut, de fait, avoir fixé une limite aux nombres d’enfants à procréer; et si, par la suite de l’union de tel ou telle malgré ces règles, quelque enfant est conçu, on doit, avant qu’il y est sensibilité et vie, pratiquer l’avortement. »
Le plus simple aurait été de reculer l’âge du mariage afin de limiter leur fécondité mais pour assurer la domination masculine, il était impossible de le concevoir. C’est ainsi que la question du contrôle des naissances de façon « artificielle » vu le jour.
Mais avant cela, les Grecs étaient désireux de comprendre le fonctionnement de la conception.
2- Que se passait-il pour qu’il y ait enfantement ?
Comme la société Grecque était une société patriarcale, toutes les discussions sur le sujet, étaient imprégnées du postulat qu’il existait une infériorité féminine. (dailleurs dans les récits mythologiques, il en ressort une évidente jalousie envers les femmes)
» Ce n’est pas la mère qui enfante celui que l’on nomme son enfant : elle n’est que la nourrice du germe en elle semé. Celui qui enfante, c’est l’homme qui la féconde. Elle, comme une étrangère, sauvegarde la jeune pousse- quand du moins les Dieux n’y portent pas atteintes. »
Anaxagore, ami de Périclès (5ème siècle avt JC), partaient du principe que les femmes étaient le terrain fertile où l’homme y déposait sa semence. La femme aurait-elle même imitée la terre dans le principe de conception…
Aristote quant à lui, définissait la femme comme un échec. Il pouvait y avoir une vague ressemblance entre ses menstruations et le sperme de l’homme mais quand même, selon lui, en moins élaboré.
Si le sperme permettait de révéler une forme dans la matière c’était un mâle. Dans le cas contraire, le résultat était une femelle. Contrairement aux hommes, le plaisir des femmes n’étaient pas une nécessité pour concevoir puisqu’elles ne pouvaient émettre de « semence ».
Bien que Aristote n’ai que peu de connaissances concernant la physiologie humaine et qu’on ne soit pas forcément aujourd’hui, en amour avec son discours, il tentait de bâtir un raisonnement logique qui soulignait les polarités sexuelles de la famille. Ce qui n’était pas l’avis de tout le monde. Au contraire même, sa logique n’était que celle d’une minorité puisque le bon sens voulait que pour procréer, il était nécessaire d’avoir une femme et un homme. Son raisonnement faisait donc porter aux homme la pleine responsabilité de donner la vie. Pourtant non, qu’ils s’agissent des disciples d’Aristote ou d’Hippocrate, tous pensaient qu’il incombait à la femme d’assurer ce rôle.
Certains les comparaient aux oeufs des oiseaux, d’autres aux graines des arbres quand d’autres affirmaient que c’était leur collision qui permettaient de créer une vie.
Puis Hippocrate, clamait sans retenue que chacun d’eux produisaient une semence ( la glaire cervicale !! ) et qu’en fonction de son environnement dans l’utérus de la femme, cela pouvait influer sur sa force, sa faiblesse voir sur son sexe.
« Chez la femme, les parties génitales étant frottées et les matrices agitées, il survient comme un prurit, et le reste du corps en reçoit plaisir et chaleur. La femme a aussi une éjaculation fournie par le corps et se faisant tantôt dans les matrices (qui deviennent humides), tantôt en dehors, quand les matrices sont plus béantes qu’il ne convient »
Les Grecs n’étaient donc pas daccord sur l’attribution des femmes dans la création d’un enfant et n’avaient en aucun cas recours à de quelconques idées ou notions d’intervention naturelles. La procréation était donc perçue comme une merveille mais en aucun cas un mystère.
3- De la conception à la procréation en passant par la contraception et l’avortement.
Les sources médicales de l’époque contenaient bien plus de références écrites concernant la fertilité que des moyens contraceptifs.
Préserver la fertilité
Pour qu’il y ai un équilibre entre les différentes humeurs du corps (voir théorie des humeurs Hippocrate, base des tempéraments en naturopathie) l’épouse devait consommer des fruits qui contenaient de nombreux pépins. Le recours aux pommades chaudes et fumigations étaient d’usage.
L’époque de l’année jouait également un rôle crucial quant à la réussite de cette fécondation.
« Le printemps est la meilleure saison » selon les textes écrits par Hippocrate.
Concernant le détermination du sexe de l’enfant, on parlait de type de régimes. Du chaud pour avoir des garçons et du froid pour avoir des filles.
Les différents moyens de contraceptions utilisés
Les divers conseils à propos de la préservation de la fertilité, étaient écrits par des médecins de l’époque dans le but aussi de contraindre la femme à l’hétérosexualité. En effet, le mariage leur permettait de ne pas souffrir d’hystérie, de ne pas laisser le sang des menstruations remonter jusqu’au coeur et ainsi, il était judicieux d’avoir recourt au coit afin de laisser l’utérus humide (le nom utérus n’est apparu que plus tard) et facilitait les menstruations suivantes. Le mariage était donc le remède idéal pour pallier à l’inconfort que ces femmes feraient subir aux hommes à cause de leurs états de santé.
En revanche, si un homme souhaitait s’abstenir, il était jugé comme prudent et sain puisque le coit ressemblait, selon eux, à une perte de connaissance brutale. Platon, Aristote, Hippocrate considéraient donc que ceux qui pratiquaient la modération sexuelle était une bonne chose.
Ceux qui trouvaient difficile de restreindre leur fécondité, devaient avoir recours à d’autres modes.
Le coit interrrompu était parmi les formes les plus accessibles mais il est peu évoqué dans les textes. Peut être aussi, selon Angus MacLaren auteur du livre « histoire de contraception » « parce qu’à aucun moment, l’écrire ou de l’évoquer ne paru nécessaire ». Ou, parce qu’à aucun moment les hommes étaient prêts à renoncer au plaisir du coit et aussi (surtout) parce que le sperme était considéré comme un précieux élixir.(sans commentaires!)
Vraisemblablement, la sodomie très répandue de part l’attirance des Grecs pour d’autres hommes, était aussi pratiquée comme moyen de contraception.
Les contraceptions dites féminines, étaient plus nombreuses que celles des hommes ce qui prouve bien que cela n’était pas la préoccupation des hommes.
Il existait alors des « pessaires obstructeurs », « tampons » et autres potions afin d’éviter les grossesses.
Les potions
Elles étaient nombreuses. Les écrits relatent de multiples recettes en tous genres. A noter qu’il n’était pas toujours évident de savoir si ces herbes permettaient de prévenir la conception ou bien d’y mettre fin.
L’écorce d’aubépine, les feuilles de saule, de lierre, les choux macérés dans du lait de chèvre étaient considérées comme d’efficaces stérilisants.
Les contraceptions mécaniques
Les contraceptions dites « mécaniques », étaient également fréquemment utilisées.
De la gomme ou de l’huile de cèdre, de la pierre d’alun, des suppositoires de menthe poivrée/miel ou des baies de génévrier à insérer à l’intérieur de l’utérus et si possible, juste avant ou juste après les menstruations pour plus d’efficacité. Ces pratiques n’étaient en réalité que des stratégies principalement pratiquées par des femmes. Les femmes avaient ainsi un rôle actif concernant leur destinée, ce qui démontre que déjà à l’époque, les femmes appliquaient le contrôle sur leur fécondité.
Il était bien moins risqué de recourir à ces méthodes que d’avorter. Pourtant, les références sur le sujet à cette période, sont bien plus nombreuses que concernant les moyens de contraception. Effectivement, qu’il s’agisse du coit interrompu, d’une méthode de cycle ou bien de pratiques anales, elles n’étaient souvent que peu révélées dans les écrits.
Alors que, au contraire, l’avortement nécessitait une tierce personne afin d’obtenir assistance et conseil lors de l’acte.
Les textes médicaux Grecs sont donc très nombreux à ce sujet.
« Les dangers sont plus grands pour la femme qui avorte, les avortements étant plus pénibles que les accouchements. Il n’est pas possible en effet qu’il n’y ait pas violence dans l’expulsion de l’embryon, soit par un purgatif, soit par une boisson, soit par un aliment, soit par des pessaires, soit par tout autre chose. »
Le plus grand des dangers était d’avoir recours à la perforation de la poche pour accélérer l’expulsion.
Ils utilisaient des fumigations pour ramollir le col, y inséraient des dilatateurs en bois, en étain ou en plomb puis si nécessaire, à des pessaires (cotons imprégnés de diverses substances) ou divers cataplasmes.
Evidemment, on peut se poser la question à savoir : « est-ce que l’avortement était accepté ou non à cette époque? »
Diverses théories avancent que les Grecs toléraient le déclenchement concernant les fausses couches mais qu’ils étaient interdits aux médecins de pratiquer l’avortement (Hippocrate).
La croyance selon laquelle la vie débute à l’instant où il y a conception faisait plutôt parti des religions à mystère.
La frontière entre contraception et avortement était donc très mince. Etant donné qu’il n’ y avait aucun moyen de savoir à quel stade on pouvait considérer la vie humaine comme « viable ». Les textes relatent des descriptions qui semblent suggérer qu’il s’agit de foetus de 6 à 8 semaines alors qu’à l’époque, il fut identifié comme un embryon de 6 jours. Il n’existait donc pas de mesures claires et précises concernant le caractère abortif ou contraceptif de certaines méthodes employées.
« Pour les Grecs, la vie n’apparaissait chez les « mâles » qu’après 30 à 40 jours après la conception. Pour les « femelles », 80 à 90 jours après. »
L’avortement était également vu d’un mauvais oeil puisque ces pratiques qui se pouvaient être clandestines la plupart du temps, pouvaient dissimuler le résultat de tromperie. Si ces femmes étaient mariées, elles devaient alors demander à leur mari la permission avant de passer à l’acte.
La naissance
Une fois l’enfant né, le père pouvait, si il le souhaitait, refuser son enfant. Il avait alors jusqu’à dix jours pour prendre sa décision.
La cérémonie dédiée à l’attribution du prénom, permettait l’acceptation publique.
Si l’enfant était abandonné et qu’il survivait, il pouvait être élevé comme un homme libre ou comme un esclave.
Les abandons ou infanticides permettaient de se débarrasser des nouveaux nés de sexe féminin.
4- Conclusion
Les Grecs étaient donc incapables de voir le contrôle de la fécondité sans le séparer du rôle que chacun avait dans la famille.
Les hommes étaient en effet, soucieux de protéger leur héritage.
Les femmes étaient seules responsables de leur contraception.
Les médecins qui étaient des hommes ne s’intéressaient guère à une quelconque méthode de contraception masculine et il était socialement accepté d’abandonner son enfant si celui-ci ne répondait pas aux critères nécessaires à la préservation.
La suite se passera chez les Romains…à très bientôt !
Sources :
« Histoire de la contraception » Angus MacLareen.
« Histoire de la contraception, de la grossesse désirée à la grossesse subie. » Thèse de Angèle Bodet.
Institut National d’études démographiques.